04 juin 2002
Au réveil, c’est café-clopes et un peu de musique pour se donner du courage. L’écoute de Nougaro, Yann Tiersen, Renaud et Gainsbourg nous permettra d’accomplir, le torse bombé les 40 km qui nous attendent dans le désert de Kaldidalur. Le sac léger et le slip sale, nous quittons la tente. Petit débat en chemin sur les différences entre sapins et épicéas ; débat épineux, si j’ose l’expression, qui n’aboutira pas. Nous sortons du bois de bouleau tortueux et un petit panneau jaune nous annonce le début de la fameuse route de la Kaldidalur qui réunit Husafell et Thingvellir. Ce chemin non goudronné, cela va sans dire, nous en avions aperçut une extrémité 10 jours auparavant mais les conditions d’enneigement ne nous avait pas permis d’atteindre le désert de rocaille déchiré par ce chemin mythique. Nous commençons par longer une rivière provenant d’un immense glacier le Langjökull. Les rives de ce cours d’eau sont encore parsemées de névés et lorsque enfin nous pénétrons le désert, sous un soleil de plomb, l’émotion nous prend au ventre. La fausse expression «paysage lunaire » s’applique à merveille à ce qui nous entoure. A perte de vue, des cailloux et uniquement des cailloux. Ah si ! Parfois des rochers et des pierres. J’exagère un peu car nous avons aperçu une oie cendrée sur la rivière et un cadavre de tracteur qui servait certainement jadis à entretenir la route. La limite entre un terrain vieux, inactif et le graben médian (où se déroulent séismes et éruptions volcaniques) est frappante. D’un côté le vert chlorophyllien des végétaux, de l’autre le noir basaltique du monde minéral semblent se livrer une guerre fratricide.
V progresse de plus en plus difficilement car il est alourdit par la présence dans sa cheville droite d’une indésirable tendinite qui le ralentit considérablement. Il est temps de faire une pause. On a marché 20 km et on est épuisé. Le ciel est bleu et la seule végétation en présence est un petit tapis de mousse qui nous servira de lit pour une petite sieste bien méritée.
Entourés par 4 glaciers éternels (Langjökull, Ok, Eiriksjökull et Thorisjökull), pustules blanches émergeant d’un océan sombre et caillouteux, nous dévorons nos assiettes de riz. Le silence des déserts est impressionnant et ne sera troublé pendant plus de deux heures par aucun vent, aucune voiture et aucun oiseau. Il est presque seize heures quand nous nous réveillons et il faut repartir dans l’autre sens. La marche est très difficile car mes pieds sont dans un état lamentable. J’ai plus d’ampoules qu’une guirlande de Noël et les articulations de V vieillissent de dix ans en une journée.
Nous marchons tels des robots, lobotomisés par la splendeur de ce désert, pendant plus de trois heures sans s’arrêter et sans échanger le moindre mot.
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