05 aout 2002
Il est midi, Jamet s’éveille, mais tout doucement.
Nous prenons ensuite nos tickets de bateau retour, puis nous nous rendons au supermarché pour faire de judicieuses courses. Au menu ce soir, du filet de macareux déniché au supermarché pour la modique somme de 310 couronnes.
Cet oiseau vit et niche dans des terriers qu’il creuse au sommet des falaises. Encore très chassé pour sa viande, il est attrapé à l’aide de filets et d’anciennes techniques (filets fixes, pièges, crochets et poison) jugées trop barbares sont aujourd’hui interdites. 150000 à 200000 macareux sont ainsi capturés chaque année sans impact significatif sur les populations qui reste stables et importantes. L’exploitation du macareux et d’autres oiseaux de mer date des vikings. Faciles à attraper, ces oiseaux constituaient des réserves de nourriture abondante dans un pays dépourvu de mammifères comestibles. Selon une méthode ancestrale, le blanc du macareux (muscles et ailes) est stocké dans la glace après avoir été fumé. La chair nécessite quant à elle une ébullition prolongée. Les plumes sont introduites dans les matelas et la carcasse, séchée au soleil, forme un combustible utile en l’absence de bois. Nos petites amies Islandaises, ne comprennent pas le lien qu’il existe entre aimer un animal et avoir envie de le manger. Pour elles, ceci est contradictoire, pour nous ces deux sentiments sont complémentaires. Pendant que V cuisine ce petit pingouin aussi adorable que dodu, elles nous expliquent que les terriers des macareux détruisent les falaises en la rendant poreuse et donc plus sensible à l’érosion, elles n’apprécient pas que leur territoire insulaire déjà pas très vaste soit grignoté de cette façon par une colonie d’oiseaux. Argument compréhensible mais sans solutions un problème n’est plus un problème et tant qu’il n’y aura des macareux, il y aura des terriers de macareux.
De toutes les façons, une fois cuit, il faut goûter. La viande de macareux a la consistance du foie et possède un goût assez particulier de poisson. S et A refuseront d’y toucher alors on se régale car si on ne trouve pas ça très bon, cela change tout de même considérablement de notre riz quotidien.
Nous profitons de cette journée de calme retrouvé pour effectuer une petite visite naturaliste de l’île d’Heimaey. Ce bloc de basalte constitue l’île principale des îles Vestmann alignées de façon saisissante dans l’axe du rift médio-atlantique. Nous escaladons un volcan (Kirkjufell) à peine plus vieux que nous puisqu’il est apparu lors de la fameuse éruption de 1973. Celle-ci provoqua la destruction presque complète des 2/3 des habitations de Vestmannaeyar ainsi que certaines usines de congélation de poissons (dont celle au dessus de laquelle nous dormons recouverte pendant la catastrophe par 14 mètres de lave). Les flancs du volcan, dont nous admirons les teintes du rouge orangé au noir, fument encore par endroit. Parvenus au sommet, nous contemplons les champs de lave adoucis par les mousses colonisatrices, l’océan Atlantique peuplé de nombreuses baleines ainsi que par un collier d’îles recouvertes du guano des oiseaux marins. Ces derniers, principalement macareux et mouettes tridactyles, volent, innombrables, autour de nous. Le puffin des Anglais, aux mœurs nocturnes ne sera pas observé tout comme le fou de bassan de retour depuis fin juillet dans le Golfe de Gascogne.
Nous continuons de marcher le long de la côte et apercevons lapins, bergeronnettes grises, huîtriers, bécassines et pétrels fulmar. Les insectes, pour des raisons déjà évoquées, sont rares en Islande, c’est pourquoi la vue d’un étron de mouton parcouru de moucherons nous fascinera pendant plusieurs minutes. Les gentianes fleurissent tard et forment de grands tapis tachetés par la Latirus pratensis aux belles fleurs jaunes. Le thym arctique et le silène uniflore persistent et signent alors que le lupin d’Alaska et les marguerites nous dévoilent leurs fruits. Difficile, malgré la clarté des manifestations volcaniques, d’imaginer que cette île fut le théâtre il y a à peine 30 ans d’une éruption si importante que devant la menace d’obstruction du port, de l’eau de mer pompée par de puissants engins fut utilisée pour la première fois au monde dans le but de stopper ou de dévier les coulées de lave. De nombreuses maisons partiellement envahies par la lave refroidie témoignent encore de la violence de l’événement qui coûta la vie d’un homme, asphyxié par les émanations de gaz toxiques. Vestmannaeyar a retrouvé depuis ses couleurs que deux millions de m3 de cendres avaient entièrement recouverts.
Les jambes usées par une marche pourtant peu soutenue, nous rentrons dans un café dans lequel nous jouons aux cartes alors que de la techno inonde nos ouïes de rythmes violents sur lesquels les Islandais infatigables dansent en buvant des bières et en mangeant des pizzas.
Mais je ne peux m’empêcher de penser à Christophe Dugarry, quelle saison va t’il bien encore passer ?
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