16 juin 2002
La seconde étape de la randonnée passe par un col qu’on aperçoit à peine tellement le ciel est bas. Sans visibilité, les cairns constituent un fil d’Ariane impossible à suivre, alors on se recroqueville dans le refuge, téméraires mais pas au point de risquer de se perdre dans cette réserve et sous cette violente tempête qui, dehors, fait rage.
Bien que coincés, nous ignorions encore les surprises qui nous attendaient. En effet, alors qu’une légitime et puissante envie de café me pousse à faire chauffer de l’eau, j’aperçois par la fenêtre un petit canidé noir avec une queue blanche disproportionnée. C’est lui, le renard polaire, Alopex lagopus. Il est magnifique gambadant ainsi, inquiet et attentif aux moindres mouvements susceptibles de constituer un potentiel danger.
Dans la petite maison jouxtant notre abri, résident deux biologistes, Pall Heirsteinsson et sa femme Holmfridur. Sympathiques et accueillants, ils étudient les populations de renard polaire en Islande.
Celui-ci est protégé à Hornstandir depuis juillet 1994. Un total de 172 terriers de renards sont connus dans la réserve.
La densité de terriers est plus importante dans le sud que dans le nord d’Hornstandir et les renards vivent d’avantage sur le long des côtes.
Le nombre de terriers a augmenté de moitié, depuis la protection de l’Alopex, et si les jeunes meurent souvent lors du premier hiver (chutes accidentelles depuis les falaises, faim, blessures par morsures…) entre 86 et 173 renards atteignent l’âge d’un an.
Pall et sa femme constatèrent également que certains renards marqués jeunes dans la réserve sont, parfois, tués par des chasseurs dans les communautés avoisinant Hornstandir.
Leur travail consiste donc à marquer le maximum de renardeaux au sein de la réserve et de comprendre mieux les différentes causes de mortalité dans les populations de renards.
Le soleil commence à se coucher lorsque le brouillard tombe, conférant à l’atmosphère du lieu un surcroît d’hostilité et de féerie. Des goélands marins et bourgmestres planent silencieusement au-dessus de la mer. Leurs silhouettes se détachent difficilement du ciel devenant progressivement d’un bleu nuit profond. Malgré l’heure tardive, il fait encore jour et les oiseaux fantômes bougent, fascinant, de concert avec les vagues et le vent.
En s’endormant près du feu, nous imaginons la vie des dix espèces animales demeurant ici, de celles qui y passent l’hiver, du formidable pouvoir d’adaptation dont l’évolution leur fit don, et du bruant des neiges, ce minuscule oiseau, seul passereau d’Islande à se reproduire régulièrement dans la rigueur de la toundra. Nous l’observons de la fenêtre du refuge. Il picore le sol à la recherche de nourriture, faisant fi du vent et de la pluie. Un sentiment à la fois de culpabilité et d’admiration nous berce alors jusqu’à ce que le sommeil, prenant le dessus, fasse taire la verve de vos humides narrateurs.
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