29 juin 2002

Silene acaule

Lever matinal avec un menu simple mais qui a fait ses preuves : cafés et cigarettes. Nous plions le camp et prélevons à cette belle forêt qui surplombe Akureyri une espèce de prêle pour notre herbier à l’obésité sans cesse croissante. Mon duvet n’a pas séché et donne l’impression d’être trempé depuis sa conception en 1932. Nous prenons un bus qui, trente kilomètres plus tard, nous dépose à un croisement où nous dénichons, péniblement, une station service. Nous voilà plein de gaz pour le réchaud et prêts à faire des crêpes. Une fois les sacs posés contre un arbre (il n’y a pas de vol en Islande et nous savons que nous retrouverons nos biens à la fin de la journée), nous nous sentons plus légers pour une marche soutenue jusqu’à la forêt de Vaglaskogur qui possède les arbres les plus grands d’Islande (13m de haut !). La vision de troncs nous fait du bien car elle contraste beaucoup avec celle proposée par les paysages pelés des alentours.
Malheureusement, nos corps, détruits, répondent absents et les pauses se multiplient.
Après une heure de marche, nous rencontrons 2 techniciens de l’Icelandic forestry association. Un coup de main leur serait fort utile et poussé par un élan écologiste, nous voici en train de charger dans un véhicule tous terrains de jeunes pieds de mélèze ayant passé leurs premières années sous serres. Intrigué par le choix de ce conifère, nous interrogeons à tout va.
A quelques kilomètres de Vaglaskogur, le paysage devient désertique, particulièrement abîmé par l’érosion hydrique et éolienne. Sur la partie à reboiser, fertilisée il y a deux ans, commencent à s’implanter naturellement l’Armérie maritime et la Céraiste alpine au milieu desquelles galopent en ce moment des poussins de pluviers dorés. Le lupin, introduit en Islande en 1945, provient d’Alaska. Les forestiers utilisent souvent cette belle plante dans les aires de reboisement car elle possède des racines qui ont la singularité de s’ancrer solidement dans les sols minces rabotés par l’érosion. Cette capacité stabilisatrice permet de ralentir la fuite des particules terreuses du sol par les eaux de ruissellement vers les rivières glacières et, finalement, jusqu’à la mer du Groenland, habitat du colvert.
On nous donne à chacun des outils de plantation de mélèze. Chaque pied doit être installé à deux mètres du précédent. Nous sommes nombreux à travailler cet après-midi. Enfants, bénévoles, techniciens de la forêt, fermiers s’affairent, dans une ambiance égalitaire et sympathique, à lutter ainsi contre la désertification de leur pays. Le mélèze, aux propriétés raciniennes équivalentes à celles du lupin, forme, par la perte annuelle de ses feuilles, une mince couche d’humus qui années après années va enrichir le sol de matière organique.
La croissance des mélèzes est très lente et les arbres âgés de 12 ans ne dépassent pas 1,30m de haut. Bientôt, ils ne seront plus seuls puisque le sol enrichi et plus stable aura accueilli les
espèces natives du pays, c’est à dire le bouleau tortueux et plusieurs espèces de saules.
Replantés dans un premier temps puis s’implantant naturellement lorsque le sol est plus épais, ils augmentent ainsi la densité de la future forêt.
Après quelques heures et plus de 200 pieds plantés par personne, nous interrompons notre activité à cause de l’arrivée inopinée d’un immense nuage noir et menaçant Une dame, intriguée par la présence de biologistes français sur cette aire de reboisement, nous invite à partager cafés et biscuits dans sa maison, la plus belle de la vallée. Elle et son mari sont des fermiers de la forêt. Rares dans le nord, mais plus fréquents dans l’est, ils se consacrent à la plantation et à la gestion de la forêt islandaise et travaillent en relation avec le ministère de l’agriculture.
Les Islandais, enfermés chez eux pendant six mois l’hiver prennent un soin particulier à décorer de façon coquette et très personnelle leurs habitations. Celle de cette gentille dame ne fait pas exception. Chaleureuse, la bâtisse contient de vastes pièces lumineuses reliées entre elles par de nombreux couloirs étroits et labyrinthiques. La vue, imprenable sur la vallée de Vaglaskögùr, est partiellement masquée par un grand peuplier, le premier que nous voyons depuis notre arrivée. Enfin, les cafés sont chauds, les biscuits sont bons et l’ambiance amicale.
Mais l’heure tourne et il est temps pour nous de reprendre notre route. La dame, d’une gentillesse incroyable, propose de nous déposer sur les rives de la route numéro un, via nos sacs puis rejoint, en klaxonnant pour nous dire au revoir, sa demeure paradisiaque.
La route jusqu’au lac Myvatn est effectuée en stop et en deux fois pour cause d’arrêt culturel à Godafoss.

Foret replantée