19 juin 2002
La randonnée est agréable, on croise sur notre chemin un nouveau couple de renards polaires et photographions un beau tapis de thym arctique ainsi que la superbe orchidée grenouille.
Le paysage reste très impressionnant mais le plus surprenant, au cours de cette marche de quatre heures, fut le temps. En effet, ce dernier fut d’une incroyable instabilité, alternant tempête de neige, beau ciel découvert, vent froid et violent, puis plus de vent du tout, averse de grêle et du brouillard. De quoi intrigué le plus chevronné des météorologues !
Nous avions été prévenus que le ciel était lunatique à l’orée du cercle polaire et que nombre de randonnées, à priori facile, peuvent à tout instant se transformer en véritables cauchemars.
Nous arrivons tout de même à Horn, déroutés et amusés par les affres climatiques dont nous fûmes témoins. C’est ici dans une belle et grande maison de bois que vivent Ester et son mari. Ces derniers travaillent sur le même projet que Pall. Même hospitalité et déjeuner de bienvenue en leur compagnie. Ester nous avoue avoir vu des phoques surfant dans la baie hier au soir. On arrive encore une fois trop tard, la troupe a disparu et a rejoint le large.
Les deux heures qui nous restent seront alors consacrées à l’observation de l’avifaune nichant sur le flan escarpé de la magnifique falaise d’Hornbjarg. Enormément d’oiseaux, mouettes tridactyles, macareux moines aux allures clownesques, petits pingouins ainsi que de timides mais très beaux guillemots de Brünnich, couvent face à l’océan sur d’étroites aspérités rocheuses culminant à plus de 300 m au dessus de l’eau.
Plus haut, des goélands bourgmestres planent dans un fracas assourdissant de piaillement et de cris. Les mouvements réguliers de va-et-vient entre falaise et océan de cette foule ailée et cacophonique contrastent avec l’impression anarchique que dégagent les vols de ces dizaines de milliers d’oiseaux. Un épais brouillard, au large, se rapproche rapidement de la côte et la pluie se met à tomber. La falaise possède une végétation particulière grâce au terreau naturel que constitue le guano de tous ces oiseaux. Rien n’a encore fleuri et il est difficile pour nous de reconnaître les espèces de plantes présentes.
Nous quittons, donc, cette agora ornithologique pour retourner chez Ester où le bateau de l’université de Reykjavik nous ramène jusqu’à Bolungarvik. Les 4 heures de trajet nous laisse le temps de contempler Hornstandir de loin et de se remettre, en délicieuse compagnie, de cette semaine passée au sein de la plus reculée, la plus sauvage, la plus spectaculairement inhospitalière et inhabitée région d’Islande. Nous sommes un peu groggy, déboussolés, assommés. De retour à Isafjordur, nous prenons le lendemain la route vers Holmavik quittant au cours d’un long trajet en bus ces magnifiques fjords de l’Ouest islandais.
Le paysage est monumental. Sur des terrains toujours vieux (basaltes tertiaires) se lit l’histoire de l’Islande.
En effet, les coulées volcaniques ont formé de hauts plateaux stratifiés que les successions annuelles et glacières ont mis à rude épreuve. Nous devinons l’action érosive violentes des glaciers, formant dans la roche ces grandes vallées appelées fjords. L’eau emplissant ces vallées est bleue métallisée, les pentes des montagnes sont raides puis verticales. Les névés sont encore très présents, tandis que l’eau issue de leur fonte forme rus et torrents au pouvoir destructeur insatiable. Au fond des fjords repose souvent une cascade, dont la magnifique Dynjandi croisée sur la route de Brjanslaekur à Isafjordur. Ainsi, les saisons, les années, les siècles, les ères se succèdent, creusant sans pitié les constructions anarchiques d’un volcanisme lointain.
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