24 juin 2002
Il est dix heures et les habitants de Hvammstangi, nombreux en ce lundi matin, observent intrigués cette tente plantée sauvagement en plein centre de leur joli bourg. Nulle remarque alors on boit un café et on range nos affaires.
Nous commencerons la journée par une visite d’une fabrique de lainage. Il y a beaucoup de pull-overs bien sûr, mais émergent de ce troupeau de chandails 2 restes laineux, sans doute oubliés par Sergio Leone. Ce sont des ponchos, de couleurs différentes. Comme aveuglés, nous consultons les prix. Ils sont deux fois moins chers qu’à Reykjavik et bénéficient d’une ristourne de 15%. Joie dissimulée mais on bouillonne. Inconsciemment, chacun choisit son modèle préféré avec un visage illuminé par un sourire. On sort de la fabrique avec de grosses poches et on revient à nos sacs destinés à être plus volumineux.
Mais maintenant, il nous faut aller plus au nord de cette péninsule et ça commence mal car le stop ne fonctionne pas. On pense louer des vélos mais c’est impossible alors une dame dans un restaurant appelle le facteur qui fait le tour de Vatnsnes pour délivrer le courrier. Ce dernier accepte de nous prendre et nous amène à Tjörn d’où nous partons, à pied cette fois pour explorer la côte qui, il est bon de le noter, est somptueuse.
Il fait beau et après seulement 25 mn de marche nous apercevons deux phoques veaux-marins remuer sur un rocher. Nous crions, nous dansons et pensons en dernier lieu. Les bêtes sont, en effet, parties sous l’eau. Nous continuons la randonnée mais cette fois avec la certitude d’être sur la bonne voie. 25 mn plus tard, c’est le même spectacle. Forts des enseignements tirés par l’expérience précédente, nous restons calmes et je pars, seul, muni de mes pattes de félin pour photographier le couple de phoques (gris cette fois) posé sur un îlot rocheux. Les photos sont réussies mais nous continuons. Choix judicieux car après 20 mn de marche, une colonie de 10 à 15 individus flânent et jouent sur et autour de rochers proches de la plage. Les photos fusent et Blaise réalise de superbes portraits. Les phoques, c’est grand, gros et plein de graisse ; ça a une gueule à attendrir un CRS. Maladroits sur terre, ils nagent à merveille et fendent les eaux glacées de la mer du Groenland avec grâce et dextérité. Les phoques sont, et surtout ont été, très chassé, en particulier le phoque à crête que les pêcheurs détestent puisqu’il se nourrit de poissons.
Cette activité se pratiquait à l’aide de harpons, mais vers 1850, l’importation de fusils danois, norvégiens et espagnols révolutionne et accroit cette exploitation. Beaucoup de croyances concernant la viande de phoque perdurent. Ainsi, pour une femme enceinte, manger de la tête de phoque entraîne à coup sûr la naissance d’un enfant déformé.
Le spectacle est merveilleux et sans comparaisons possibles avec celui proposé par les zoos. Après plusieurs heures d’observation, il nous faut rentrer, mais le retour à Hvammstangi nous réserve bien des surprises car fleurs, oiseaux et chevaux sauvages semblent s’être donné rendez-vous devant notre appareil photo. Nous jubilons mais il nous reste 30 km à faire et la route est absolument déserte. Un instant nous crûmes entrevoir un râle d’eau, espèce rarissime voire éteinte en Islande. Après une enquête à rebondissement, on décrète que c’est une bécassine des marais qui feint d’être blessée pour éloigner de son nid ce qu’elle juge être des prédateurs. Il paraît que c’est un comportement commun à quelques espèces d’oiseaux. Un piège posé par un fermier nous indique que renards polaires et visons nous entourent mais nous n’en verrons pas.
Finalement nous sommes pris en stop et rentrons à Hvammstangi sous un magnifique coucher de soleil, comme quoi la nature sait se montrer belle et généreuse lorsqu’on va vers elle.
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