04 juillet 2002
Le petit déjeuner se compose ce matin de sandwichs aux œufs et de crêpes.
Le programme d’aujourd’hui, c’est stop jusqu’au Krafla et visite des coulées de lave récente du volcan Leirhnjùkur. Ca capote dès le début. Peu de voitures passent en ignorant notre détresse et sans se douter qu’en rechignant de nous prendre, si les passagers gagnent en désodorisant, ils perdent l’occasion de parcourir en notre joviale compagnie les quelques kilomètres qui mènent au Krafla. En tout cas, on s’ennuie ferme au bord de la route, alors on observe la végétation des alentours en fumant des clopes. Rien ne se passe et V, lassé, décide d’abandonner et de s’adonner à la pratique de son jeu préféré : la recherche de fougères et d’orchidées. Je persiste un peu et une voiture s’arrête, je monte. L’obèse islandais qui conduit me dépose à Namafjall tout en se délectant d’une grosse glace à la vanille.
Je profite de cette occasion pour me rendre au Krafla par un petit sentier qui coupe à travers les champs de lave. La marche commence par la découverte de petits vallons assez peu riches d’un point de vue floristique mais bourrés de pluviers. Cet oiseau nous berce de ses « PUP ! » sonores, répétitifs et un peu énervants à la longue depuis le début du voyage car il est très commun et très apprécié des islandais. En effet, comme notre hirondelle, il est l’annonciateur, en Islande, du retour des beaux jours. Je continue ma trotte au milieu de petits cratères.
Myvatn signifie lac aux moustiques, mais ce que les Islandais prennent pour des moustiques sont en réalité des milliers de petites mouches assez agaçantes et agressives, du coup mon œil me gratte. Il n’y a, en fait, que très peu d’insectes sur cette île, pas de fourmis, seulement quatre espèces de guêpes et, donc, ô joie, pas de ces moustiques rendant la vie impossible à nombre de milliards de gens à la surface de la planète.
Ce n’est pas le froid qui explique ce phénomène car il y a, sous des latitudes similaires (Groenland, Canada, Scandinavie, Sibérie) pléthore de moustiques. Ici, que nenni, parce que les périodes étés-hivers sont moins marqués au niveau température que dans les autres contrées susnommées où le dégel est brutal.
Le climat de l’Islande est marqué par des périodes de dégels partiels entrecoupées de nombreuses gelées tardives. Les moustiques désorientés par ce pays au climat surprenant n’ont jamais pu s’adapter d’où leur absence.
Le décor devient plus menaçant au fur et à mesure que je m’approche du Krafla avec des coulées de basalte de plus en plus sombres et des falaises plus abruptes.
J’ai très soif, mais V a gardé les gourdes alors je plonge ma tête dans la neige boueuse, ça rafraîchit. En essayant de suivre un bébé pluvier, je me perds et en essayant de retrouver mon chemin, j’arrive à mon but : le Leirhnjùkur.
Ce volcan, extrêmement actif, est situé à quelques centaines de mètres du Krafla. Une éruption eut lieu ici de 1974 à 1984 et la coulée de lave noire comme du goudron s’étend sur des kilomètres à la ronde. C’est à pleurer de bonheur et d’effroi.
Le paysage est «lunaire », il n’y a aucune plante, tout n’est que solfatares jaune vifs (à cause du soufre élémentaire), énormes rochers rouges, cratères égueulés, basalte noir et brillant, crevasses immenses, lacs bleu-ciel aux eaux à 100°C et mares de boues grises et bouillonnantes. La fumée s’échappe de partout et on a la forte impression que la lave vient juste de refroidir. Tout est beau et chaud, j’en perds mon moldave. J’ai la gorge serrée et sèche lorsque je rentre en stop, heureux.
Je retrouve V planqué dans la petite forêt qui entoure Jamet. Stop pour moi, mais peut être V veut-il y aller de son index, il paraît que la terre présente sous ses ongles peut faire office d‘encre pour des éons.
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