08 juillet 2002 (suite)
Le paysage fait parti de ceux que l’on trouve beaux, sans nuance.
Le fleuve glacé a creusé son lit dans une ancienne région volcanique de l’Islande. Ici, un simple canyon, là des dômes, cheminées et autres montagnes de basalte sont mis à nu par les eaux de fonte du plus grand glacier d’Europe : le Vatnajökull.
Clopin-nageant dans nos frusques imbibées, nous sommes à la fois éblouis par la vue et aveuglés par les gouttes. On avance tout de même, usés et furieux contre le temps. Parfois, je lève les yeux aux ciel en insultant les dieux Islandais de nous infliger un tel supplice. Puis, devant l’influence insignifiante de nos appels pourtant poignants, nous redirigeons nos regards vers de pathétiques pieds aux mouvements répétitifs et hypnotiques.
Le premier lieu digne de récit se nomme Raudholar, montagne de sable rouge, surmontant une assise basaltique très sombre. Sur les flancs environnants, d’étranges monticules non érodés se dressent. Des volcans éventrés par le torrent furieux mettent à jours orgues basaltiques, cavernes, falaises incurvées, cratères suggérés car détruits. L’autre côté du canyon avec une érosion plus classique présente des orgues stratifiés horizontalement. En bas, la rivière charrie ses eaux turbides dans un vacarme proportionnel à son débit. Les orgues, car il y en a partout, sont de tailles différentes, d’inclinaisons diverses (verticales, horizontales, sphériques, convergentes et j’en passe) et de couleurs variées avec toutes les teintes possibles du rouge au noir. On ne sait plus trop où regarder. De plus, quelques kilomètres plus loin, d’imposantes statues de pierre se dressent au milieu de la rivière. Ajoutez à notre émerveillement la découverte de la belle Epilobe arctique, présente sur les graviers, et le pied est total. Le problème c’est qu’il est mouillé, nous rejoignons donc le camping situé à mi-chemin entre Asbyrgi et Dettifoss car, parfois, nous pouvons être civilisés.
Mais il est scandaleux ce campement ; pas de douches, pas d’eau chaude, pas d’abri. On est mouillé, et la tente de même. Tout est moisi, mais la bonne nouvelle, c’est qu’on ne paye pas.
Histoire d’augmenter davantage l’humidité intérieure, on fait cuire du riz. Au passage, le corps humain est constitué de 80% d’eau. Ce soir nous sommes montés à 92%. Nos affaires, nos duvets, nos papiers sont dans un état identique. De l’eau perle des parois intérieures de la tente et nous coule dessus. Nous tentons, malgré tout de trouver le sommeil et, soudain, une femme sortie de nulle part nous demande notre argent, celui que nous n’avons pas. C’est du vol, 1200 couronnes (environ 15 euros) pour rien, hormis de l’eau. Scandalisés, nous essayons derechef de dormir, efforts inutiles. Il est cinq heures lorsque nos yeux se ferment pour 58 minutes d’un sommeil peu profond.
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