17 juin 2002
L’heure de ce dernier approche alors on se fait beau. Blaise passe une de ses mains dans sa chevelure et je fais de même. Nous sommes prêts. Il est 19h35 et nous franchissons les 22m nous séparant de la cabane de nos voisins. Il y fait chaud, et de nombreux objets encombrent le faible espace viable. La décoration est sommaire (œufs de raies, crâne de renard, cailloux, fougères, chaises) et l’eau, comme pour nous, vient de la rivière. C’est en me nettoyant les mains qu’un « pop ! » vint me frapper la columelle. Le champagne est ouvert et j’accours. Il est amusant de constater, à la mine réjouie de nos amis, combien ce met est apprécié et côté. Il se boit d’ailleurs à merveille et l’effet double bulle-alcool plonge la communauté dans un délicieux bien-être après seulement deux verres. Il est intéressant de noter que ces islandais, après une mise en mots un peu poussive, se mettent à nous considérer et à se lâcher (galéjades, frappes amicales dans le dos …). L’ambiance est, donc, très agréable et le repas arrive. Un menu varié, que nos estomacs attendaient depuis un mois, se présente à nous : purée de pommes de terre, petits pois, carottes, gigot d’agneau fumé (recette islandaise), betterave rouge coupée en copeaux et, pour délier les langues et combler nos papilles, un Saint Emilion 1996, arrivé à Hornstandir par je ne sais quel radeau ou pirogue. A vrai dire, c’est succulent et nous avons la vague sensation que Pall et Holmfridur prennent autant de plaisir à nous voir succomber à notre légitime gourmandise qu’à déguster eux-mêmes ces mets raffinés. L’hospitalité islandaise nous impressionne et nous ravit. Nous sommes touchés par tant d’honneurs.
L’anglais, notre seconde langue mal aimée, coule de notre bouche telle une rivière se hasardant parfois dans quelques méandres, mais la compréhension est quasi totale et nous profitons de cette providence pour poser quelques questions à ces spécialistes ès environnement.
Ainsi, Hornstandir est classée réserve naturelle. Le dernier fermier quitta cette terre hostile en 1952 marquant la fin de la période moyenâgeuse en Islande. Les jeunes, attirés par l’envisageable fortune citadine, rechignaient à investir leurs énergies dans cette région aux ressources si difficiles à exploiter. Désertée, après concertation générale, cette réserve se distingue donc par l’absence totale d’anthropisation ; pas de routes, pas d’élevage, pas de drainage, rien, depuis plus de cinquante ans. Ainsi, une nature intacte a pu reprendre son évolution.
De nombreuses espèces de fleurs ont trouvé dans cette réserve un refuge adéquat. Cependant à cette époque de l’année, nous n’avons pu observer qu’une association de mousses, de lichens, ainsi que des airelles des marais, des myrtilles, du raisin d’ours, quantité de bouleaux nains (le plus petit arbre du monde) d’une taille de 3 cm et de nombreux saules n’excédant pas les 10 à 15 cm. Plus à distance de la mer, et dans des endroits abrités, croissent lentement des Bouleaux tortueux et de grandes angéliques (belle ombellifère encore au stade de bulbes.
Ce milieu, abandonné des hommes, est également habité par de charmantes créatures. Ainsi, une grande concentration de phoques fréquente ces côtes hostiles (mais, à notre grand dam, nous n’en verrons aucun) et le vison d’Europe, introduit par l’homme, abonde.
De plus le renard polaire protégé est devenu peu farouche, ce qui contraste avec son comportement dans les autres territoires occupés. Pour notre part, la rencontre avec Alopex lagopex s’effectue environ dix fois par jour. Ce canidé a des cousins dans de nombreuses régions nordiques où son met favori reste ce petit rongeur, le lemming, inconnu en Islande.
L’Alopex islandais se nourrit donc d’œufs et de carcasses d’oiseaux, de gastéropodes, de poissons marins et de baies.
Malgré un impact de prédation quasi nul chez les populations ovines, cet animal n’a pas vraiment la côte chez les Islandais. Nos irréductibles narrateurs, tombés sous l’irrésistible charme du renard, se battent, quant à eux, afin d’améliorer l’image de ce petit animal en étudiant ses mœurs et sa population, d’où l’active recherche des terriers dans le but de marquer les petits.
Les renardeaux naissent en mai et demeurent 5 semaines dans leur nid avant de sortir, le temps est donc compté pour Pall et sa femme, d’autant plus que les conditions climatiques à Hornstandir ne sont clémentes que quelques semaines par an.
Nous apprenons également l’importance toute particulière du pelage chez ces animaux, puisqu’il tient un rôle fondamental dans la fameuse régulation de la température corporelle. Le renard, en Islande, présente deux pelages différents : brun et blanc. Cette détermination répond à des critères génétiques.
Les renards deviennent blancs l’hiver, ce qui leur confère un camouflage de névé. En été, ils perdent leurs épais manteaux, ce qui provoque l’apparition de sa blouse estivale. Ce pelage sombre se dissimule à merveille entre roches basaltiques et retient, bien évidemment, le peu de chaleur présent à ces latitudes.
Pall, en buvant son café écoute attentivement la météo à la radio. A priori, pour demain le temps présentera une délicieuse alternance pluie-vent.
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