27 mai 2002
Partis de Thingvellir à pieds, les yeux levés vers le gris du ciel et le pouce tendu avec inquiétude vers notre Saint Graal fumant communément appelé Geysir, nous décidons de prendre notre courage à deux sacs et de marcher vers Laugarvatn à
Nous attendrons un peu, cependant, avant de faire connaissance avec le site géothermique, car les touristes, nombreux, ne bénéficient pas de notre seul luxe, ici, en Islande : c’est à dire le temps, le temps d’attendre le clair de nuit pour visiter, en toute intimité ce grandiose spectacle naturel.
Pour patienter, donc, V, qui murmure à merveille à l’oreille des pentes rocheuses, se sent pousser des ailes. La montagne l’appelle.
Quant à moi, qui rechigne à faire des efforts inutiles, je m’en vais photographier une source d’eau chaude proche de notre campement. Seules quelques populages des marais étaient en fleurs et la roche colorée par des dépôts de soufre et de silice impressionnait votre narrateur ainsi que la pellicule de son appareil photo.
Cette tâche accomplie, je dépose mon séant au sommet d’une petite colline faisant face au monstre dont V gravissait courageusement les flancs escarpés.
Je l’observe dans son ascension avec une paire de jumelle, il a l’air d’en baver et moi, presque convaincu d’avoir bien fait, je me plonge dans les aventures du Don Quichotte de Cervantes en surveillant de temps en temps si V n’a pas besoin d’un hélico.
Après trois heures de bonds, escalade, descente en rappel, glissades, chutes, os iliaque brisé, scapula réduite, j’en reviens au camp, usé mais heureux. Car cette montagne, j’en ai immédiatement entendu l’appel. Seulement guidé par mon instinct, je suis parti avec une gourde, un appareil photos et une carte presque inutile puisque au 500 000ème.
La première partie de la randonnée, dans la vallée, consistait en quelques franchissements de clôtures. Puis, ce fut le début de la grimpette au milieu d’une dense forêt de bouleaux tortueux. Je me tortillais donc pour échapper à l’agressivité de leurs branches. Soudain, plus d’arbres, seuls subsistent sur ce solide substrat rocheux de rares fleurs d’altitude et des mousses. Le dénivelé, parfois important, les pentes raides et instables ne me découragent en rien. Pas de danger toutefois et je parviens au sommet. Une fois là haut, d’autres petits sommets scandent mon nom mais je ne peux répondre à toutes ces invitations, d’autant plus que la pluie menace de s’abattre sur mon front dégoulinant de sueur.
La vue du sommet, sur la vallée de Haukadalur, est imprenable. Cependant, je suis choqué de constater que les plaines sont zébrées de fossés de drainage.
Ces derniers ont modifié considérablement l’habitat d’oiseaux accoutumé aux milieux humides tel que le râle d’eau, qui a, par conséquent, sans doute disparu de la surface de l’Islande. Mais ce ne sont pas là les seuls responsables. Le vison d’Europe fut introduit dans l’île en 1931 pour sa fourrure. En 1955, un couple s’évada dans l’indifférence générale puisque tout le monde pensait qu’ils ne passeraient pas l’hiver. Erreur ! ! Quelques années plus tard, il colonise l’île entière. Il est chassé au fusil et piégé. Personne ne peut le saquer.
Je me contenterais, après ce douloureux constat, d’explorer deux cratères remplis de sable volcanique et d’eau. Je m’y promène, mes chausses s’enlisent à chaque pas, les névés sont nombreux, je suis bien.
Les premières gouttes de pluies tombent et je dois descendre. La mousse, qui avait considérablement ralenti ma montée, se révèle un formidable amortisseur pour la descente, qui est ainsi délicieuse et prompte.
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