28 - 29 juillet 2002
La tente est dissimulée sous un gros rocher, à proximité de la belle ville de Vik.
Depuis quelques jours, il fait de plus en plus sombre et ce soir, enfin, nous décrétons que nous sommes en train de vivre notre première nuit véritable en Islande.
La vue de la tente est extraordinaire, notre voisine est une falaise où nichent de nombreux (centaines de milliers) d’oiseaux. En guise de moutons pour nous endormir, ce sont des vols incessants de macareux, mouettes et pétrels. La lune se lève au milieu d’une petite forêt d’angéliques qui nous sépare de la plage de sable noir. La ville s’éclaire et une dizaine d’étoiles apparaissent successivement dans un ciel dépourvu du moindre nuage. L’air sent bon la mer, l’angélique et le guano, il est minuit, on mange, on dort, c’est trop bon.
Après une nuit agréable, je me lève vers 8 H 15, le sommeil m’ayant abandonné. Blaise, dont les yeux sont entourés de 1000 choses (goretex, bonnet, feutre, chaussures) profite de cette nuit artificielle pour achever son cycle. Je me pose sur un rocher et regarde les oiseaux. Vers 9 heures, je me rends au supermarché afin que nos panses sortent de la monotone digestion du riz soupe. De retour au camp, je prépare le petit déjeuner et le bruit des mets qui s’entrechoquent tirent Blaise de ses rêvasseries. Après manger, je lis Don Quichotte et m’endors une seconde fois. Pendant ce temps, Blaise s’aventure dans les falaises. Slalomant dans les forêts ombellifériques, il s’approche des macareux de quelques mètres et, éthologue au fond de lui, observe les comportements de ces curieux animaux. Il profite de cette ballade pour mettre la main sur une plante assez rare, la Galeopsis tetrahit et après plusieurs galipettes sur les pentes raides de ces sentiers douteux, le revoilà à la tente. Notre flore d’Islande stipule que ces milieux abondamment arrosés de guano forment de véritable jungle riche en nombreuses espèces végétales. V passe donc le reste de sa journée à quatre pattes. Sous une véritable pluie de merde, il déniche le polypode vulgaire (fougère très commune en France), le trèfle rose et la Lathirus pratensis, toutes trois rares en Islande.
La journée se termine pour moi au macareux distingué, seul café de Vik, dans le but de me rapprocher de la civilisation. Quant à V, il essaiera de transmettre à un jeune goéland blessé des énergies positives et réparatrices. C’est triste et empli de compassion pour ce juvénile oiseau qu’il reviendra à la tente ne cessant de se demander :
« Et ce goéland, quelle nuit va t’il passer ? »
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