12 juillet 2002
La pluie n’a toujours pas cessé et on commence à la maudire. Il suffit en effet de passer une journée au chaud et au mou pour s’apercevoir que l’Islande est un pays pluvieux, frais et venteux, bref qu’elle possède un climat hyper-atlantique. Nous le savions déjà mais ça fait toujours un choc quand il n’y a plus de mur pour nous protéger des rafales de gouttes soigneusement refroidies par l’atmosphère. De plus, on n’a aucun programme. Nos objectifs s’effondrent lamentablement les uns après les autres car, pour les atteindre, il faut soit louer des voitures, soit faire du stop sous la pluie pendant des heures. Impossible pour la première, incertain pour la seconde. Notre première expérience, c’est une bonne heure d’attente les pouces tendus pour nous rendre à Bakkagerdi, dans le Nord : aucune voiture ne s’arrête. Alors on abandonne. Puis on se dit qu’on va aller à Husey, toujours au Nord, et seul endroit où il est encore possible d’observer des phoques à crête. On s’aperçoit vite qu’il faut une voiture car il n’y a pas de bus et il est impossible de faire du stop : on fait une croix dessus. On rassemble ce qu’il reste de notre moral et on se dit qu’en été, les rennes sont en montagne et redescendent sur la côte en septembre. Pour observer, donc, les 2 000 à 3 000 herbivores islandais il faut se diriger vers la Snaefell (ancien volcan perdu au nord du Vatnajökull et culminant à plus de 1 800 m). On ne peut y aller ni à pied, ni en stop : c’est cuit. On décide alors de visiter Hallormstradur, la plus grande forêt d’Islande, située à 30 Km environ d’Egilstadir. Une jeune fille et ses deux enfants nous prennent en stop dans une voiture pourtant blindée d’affaires de toutes sortes. Heureusement nous sommes souples et après des contorsions dignes d’un gymnaste hongrois, on rentre dans la voiture qui nous dépose dans une «ville » perdue dans la forêt. On tente désespérément de comprendre le plan du lieu mais on est bel et bien paumé. Il n’y a autour de nous que des arbres, trois maisons et une station service pourrie. On a un contact dans ce lieu étrange. Il s’appelle Thor et on va le voir. Il nous annonce que l’on est vendredi (on l’ignorait) et qu’il ne travaille pas le week-end (normal) et que si on veut plus d’informations sur la forêt, il nous faudra patienter jusqu’à dimanche, jour au cours duquel il pourra nous recevoir.
Il pleut encore, on cherche un coin pour planter le tepee mais on ne le trouve pas. On est complètement mouillé et on pète les plombs, on veut se barrer, on en a ras le cul. Il va falloir patienter deux jours sans tunes, avec presque rien à bouffer dans une forêt imbibée pour récolter des infos qu’on a sûrement déjà puisque c’est la troisième fois qu’on interroge des associations travaillant dans le reboisement.
On se rend compte de l’absurdité de notre comportement : on va dans une forêt après trente changements de programmes pour y bosser, mais on ne veut pas y rester parce qu’il pleut et qu’on a pas d’argent ; on veut voir quelques jours comment cet organisme travaille dans la lutte contre l’érosion et on arrive en début de week-end.
Finalement, on donne rendez-vous à Thor pour dimanche et deux secondes après on veut partir en lui laissant un mot de type : « Désolé, budget réduit, no money, on trace ».
Alors pourquoi être venu là ? On ne comprend pas trop nous même. On doit être un peu taré mais on s’en barbouille le pourtour anal, il pleut. On trouve enfin un coin potable pour la tente, pas trop en pente, qui redevient trempée en 7 minutes 21 secondes ; les duvets pareils, les sacs pareils, les habits de même et notre moral idem. On se fout de tout et après deux trois tentatives de discussions afin d’établir un plan pour les jours à venir, on laisse choir, car on est vraiment devenu trop bête.
Heureusement pour le bilan de la journée, on a trouvé trois nouvelles plantes dont deux qui ne poussent que dans ces fjords de l’est. Maigre consolation car ce qu’on a en tête, c’est la nuit de merde qui nous attend.
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