08 juillet 2002
La tente est vraiment bien cachée et protégée de la pluie. Le faible espace proposé, entre deux énormes rochers, est formidablement bien rentabilisé et notre abri colle véritablement à la falaise.
Levé tard et petit déjeuner anti-scorbut et cancérigène : Deux Kiwikakas, un litre de jus d’orange et tournée de nicotine histoire de faire le plein de vitamines C et de goudron.
Vers 14 H, on regarde dehors : il pleut. Ce désagrément ne saurait retarder notre trotte alors on part. Ce qui était sec ou peu humide s’imbibe après 100m de marche. Nous décidons d’en faire fi comme de la température externe et fraîche. Lorsqu’on marche, on se réchauffe paraît-il, mais à la moindre pause, on gèle et c’est sordide.
Partis d’Asbyrgi vers le sud, on accède assez rapidement à la pointe du fer à cheval. Notre vue
s’étend alors sur ce territoire embrumé et pétrel fulmarisé comparable aux mystérieux tépuis
d’Amérique du Sud. Nos hurlements de joie répercutés par l’écho attirent l’attention
de touristes en contrebas. Ceux-ci, attendaient la fin de l’averse contre une paroi. Lorsque
la pluie a enfin cessé, 15 jours plus tard, nous avons repensé à ces touristes enfin libérés de
leur prison d’eau et de pierre. Ils devaient être bien affamés. En attendant, toujours
humides, nous continuons la randonnée à travers une lande pour retrouver le canyon
de la Jökùlsa. Tous les 100m, nous changions de milieu : forêt, marais, plaines, désert,
zone érodée. L’eau et le vent sculptent ici et là dans le basalte des formes arrondies
et surprenantes. La cause initiale d’érosion du sol demeure le déboisement.
Cependant, ce dernier se conjugue à d’autres facteurs qui varient d’un endroit à l’autre du pays.
Ainsi, le broutage par les herbivores, les éruptions volcaniques et la rudesse du
climat contribuent amplement à la dégradation de la végétation et des difficultés de
régénération des sols et de la couverture forestière. La situation se dégrade même
et l’érosion gagne du terrain.
L’Islande est un pays jeune et la nature des sols est affectées par le volcanisme
(20 éruptions par siècles en moyenne). Les sols à texture grossière, les cendres
volcaniques, les sols argileux sont très vulnérables au vent et à l’eau.
Très tôt dans l’histoire de la nation islandaise, la rigueur du climat réduit la possibilité
pour la végétation de se régénérer. De petites variations de température déterminent
donc qui de l’érosion ou de la végétation prendra le dessus.
Cette sensibilité de la végétation islandaise et de ses sols est amplifié par la haute
fréquence des vents violents qui conjugués à la nature particulière des sols
islandais contribue à l’accélération du phénomène de l’érosion.
Cette dernière atteint son paroxysme au XIXème et pendant les primes décades du
XXème siècle avec de grandes régions totalement dévastées par des tempêtes de sable
forçant les fermiers à abandonner leurs habitations et contraignant certains autres à
lutter par l’érection de murs de pierres. Toutefois, les efforts accomplis afin de sauver
leurs fermes de la destruction n’ont pas fonctionné.
Les forces de la nature, l’eau, les vents, les éruptions et les glaces allant d’un
concert redoutable avec l’exploitation du bétail par l’homme, ont avec le temps affaibli
le manteau végétal. Les islandais luttent sans arrêt contre ces forces destructrices.
En effet, l’érosion a mis à nu 30000 à 40000 km2 de terre où le sol qui avait mis
10000 ans à se former a laissé place à de la vieille lave. Tout ce qui est matière organique,
réserve de graines ou nutriments ont disparu avec ce sol.
Plusieurs tentatives ont été faites pour cicatriser ces plaies, aussi bien par les semences et l’épandage d’engrais par avion que par la clôture de certains secteurs d’élevage. Ces méthodes ont été fructueuses, mais elles sont coûteuses et nécessitent davantage d’efficacité.
De tous les facteurs influant sur l’érosion, seul le broutage peut être contrôlé, et ce de différentes façons.
Il est possible, entre autres, d’atténuer leurs effets en interdisant les sites menacés aux hommes et au bétail.
Pour ces raisons, la liberté des moutons et des chevaux sur de grands espaces a été mise en question. Il est dans le pouvoir des autorités locales de permettre cette liberté ou de l’interdire. D’habitude, les espaces déserts sont séparés des agglomérations par des clôtures. Il est de plus en plus fréquent que la circulation des moutons et des chevaux en plaine soit confinée à des espaces clos et dans certaines régions, il est interdit de laisser des chevaux en liberté. Il a pourtant été remarqué qu’il est nécessaire de restreindre d’avantage l’action des herbivores.
On a beaucoup travaillé au reboisement en Islande des dernières décennies, mais la lutte organisée commence réellement en 1907, quand la première loi sur la culture des sables fut passée et que le SCS (Soil Conservation Service) fut fondé. La plantation d’Elyme des sables (Elymus arenarius) s’est généralisée afin de stabiliser les dunes.
De plus, le nombre de domaines clôturés par le SCS depuis 80 ans est de 115, ce qui correspond à 2% du territoire islandais.
D’importants espaces ont été replantés et des expériences ont été effectuées pour découvrir quelles plantes conviennent le mieux pour la revégétation selon les conditions du climat et du terrain, celles-ci pouvant varier grandement d’une région à une autre. Les fermiers se sont également joints au SCS et divers travaux de culture et de protection sont en chantier.
De plus, la loi et le budget permettent aux fermiers de pratiquer la culture des arbres en vue de les exploiter sur leurs terres, en plus d’autres ressources.
Enfin, le public contribue activement au reboisement par le bénévolat.
En 1958, le SCS a acquit un avion afin de répandre du fertilisant. En 1973, un DC3 offert par Icelandair permet d’augmenter la capacité de dispersion.
Dans le parc, aucun brouteur invétéré mais une érosion bien visible des sols et ce jusqu’à notre arrivée aux gorges creusée par la Jökùlsa dont le vrombissement croissant nous indiquait que nous approchions.
C’est alors que tout devint irréel.
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