23 juin 2002

Orchidée grenouille


Deux mots pour terminer la journée :
Pourquoi, alors que nous avons jusqu’à oublier l’odeur, la couleur et le goût de la bière, faut-il que, lorsqu’on est bien au chaud dans le duvet, nous allions uriner deux à trois fois par nuit dans le froid et le blizzard. Si encore nous passions nos journées à siroter des Heineken ma vessie serait bien vite pardonnée, mais là, ça donne envie d’aller consulter.
D’où peut bien venir toute cette eau et toute cette urée ? C’est à s’en augmenter la calvitie à coup de batte tellement c’est chiant. Mais bon, nous sommes tout de même obligé de céder aux demandes assassines de notre corps, sortir du duvet, mettre ses pompes dans un ordre incertain, braver les 3 °C du monde extérieur et vider de son surplus d’urine notre vésicule agaçante d’activité et de dynamisme. A croire que le riz est antidiurétique il n’y a qu’un pas que mes modestes connaissances en anatomie rénale ne me permettront tout de même pas franchir.
Ceci dit, il est 23 heures et une soupe aux bolets m’attend tandis que mon poignet s’alarme de tant de verve pour pas grand chose finalement et que ma cigarette roulée nécessite un rallumage immédiat pour cause de taux de nicotine inférieur au seuil critique toléré par mon détritique organisme.

Aujourd’hui, les objectifs furent pauvres : prendre le bus à 200 m à 16 H 30. C’est jouable. Alors on a lu un peu, on a uriné par mystère toutes les ½ heures. Blaise alla chercher de l’eau, ce qui prouve la densité et la complexité de notre programme.
16 H : On fait les sacs, on défait la tente et c’est parti !
La route, durant deux heures, nous voit longer la côte, toujours vide de phoques. On descend à Bru, bourgade de 8 habitants, dont 7 pompistes. C’est, en effet, plus un croisement de renom qu’un village puisque de cet endroit, on peut se rendre à Reykjavik, Akureyri et Isafjordur.
La cafétéria fait le plein et nos estomacs déréglés crient famine. Nous passons, alors, de table en table grappiller les restes des consommateurs obèses et pressés. Ici, des frites, là, du coca ; tiens, un Raider ; oh, la belle omelette ; mais, c’est une tranche de lard ; ce sandwich est moyen. Un danois vient s’asseoir à côté de nous pour nous parler des orchidées islandaises car il a vu que la «flore d’Islande » était notre bible. Il en a vu trois espèces, c’est à dire deux de plus que nous, son équipe nous ayant éliminé de la coupe du monde nous ne sommes pas contents mais il est gentil. Cependant, son anglais est brouillon et, en plus, nous guettons une famille islandaise en passe de laisser un bol plein de frites. Cette dernière quitte la table, contrairement aux frites. Youpi ! On se rue dessus et on se régale.
Le bus repart et nous conduit jusqu’à Hvammstangi. Nous y dénichons un joli endroit, près d’une rivière, pour planter la toile et partons, chacun de notre côté pour chercher des plantes en fleurs. Une dame me fait visiter une vieille église datant de 1882. L’église est charmante, mais pas la dame. Une heure plus tard, on se retrouve au camp car le temps menace. On monte notre abri, puis on va faire un tarot. Après pour que rien ne vous échappe de la vie d’un aventurier téméraire, je vais me brosser les dents.
Demain, nous tenterons de longer la côte afin d’observer enfin ces fantomatiques pinnipèdes. Bonne nuit.

Pavot arctique