03 - 04 aout 2002

Nous sommes toujours à Vestmannaeyar et le festival continue. Hier soir, nous sommes sortis avec deux Islandaises : S et A, ce fut fort agréable. Mais aujourd’hui, il pleut. On décide donc de faire un tour aux environs de Jamet. Les gentianes commencent à sortir et de nombreux oiseaux nourrissent sans relâche leurs portées perchées sur les falaises basaltiques.
Cette journée de pluie est principalement marquée par la nullité de notre activité. Dans les rues et au sein du festival, le nombre de gens bourrés avoisine les 80%. La gentillesse des personnes que nous croisons est monumentale. Toujours un mot gentil, une attention touchante ou un sourire sincère, pas de violence malgré l’état éthylique avancé de la plupart des protagonistes de cette fête. On en vient à se demander en toute vérité s’il existe des gens vraiment méchants en Islande.

Le lendemain est une journée de pluie. Nous errons donc de bar en bar, observant sans lassitude le comportement décadent de cette jeunesse imbibée d’éthanol.
Vers 23 H, alors que nous marchons vers la vallée, nous assistons a un drame....terrible...
Il y a beaucoup de vent et de pluie mais les Islandais semblent totalement s’en branler. Au moment où nous arrivons, des torches s’allument sur les flancs d’une montagne sous les hourras et les acclamations des gens en présence. Feux d’artifice et cris de joie de plusieurs milliers de personnes suivront notre entrée dans l’enceinte du festival. Une musique minable (pop anglaise et insipide) résonne dans toute la vallée et ne parvient pas à satisfaire les fins mélomanes que nous sommes. Les Islandais ont peu d’exigence là dessus, d’ailleurs, ils n’en ont pour rien. Le vent très violent a réduit à néant les installations du camping qui ne peut désormais plus être assimilé à autre chose qu’à une ruine. Dans l’indifférence de tous les ordures s’accumulent contre les barrières autour des tentes pour la plupart arrachées. On se croirait dans un bidonville brésilien après le passage d’une tornade. L’épaisse couche d’herbe qui, encore hier, formait un moelleux tapis s’est métamorphosée en boue que les Islandais semblent apprécier puisqu’ils s’y roulent volontiers à toute occasion.
Tout est humide à moitié détruit et sale. Les jeunes et moins jeunes sont en imper de chantier jaune ou orange fluo. Tout le monde s’amuse, picole et danse dans une convivialité et une non-violence remarquable. Nous trouvons rapidement de quoi satisfaire notre besoin de dépense d’énergie. Un vieux farmer échappé du Texas empoigne solidement sa guitare et déroule country, vieux rock et ska des années 30. Alors on effectue quelques pas de danse puis on trace dans la foule en cherchant le couple que nous avions rencontré à Kirkpop. Je déclenche mon radar à filles mignonnes aux yeux clairs mais ce dernier sature rapidement car il y a énormément de jolies femmes, c’est fou.
V désarmé par cet échec décide qu’on ne les trouvera jamais et rentre à la tente ne résistant plus à l’appel du riz, de Beethoven et du duvet mouillé. Moi, je souhaite rester un peu et c’est au moment où V part que la soirée devient sympa. En effet, alors que je rodais à la recherche d’aventures, une jeune fille perd sous mes yeux, à cause du vent, casquette, sac et bouteilles de bière. La courtoisie me pousse à ramasser ses affaires éparpillées et je vais chercher sa casquette sur les rives d’un petit étang aux eaux rouges au sein duquel est mystérieusement apparu un sofa (?). Je cherche activement la fille en question pour lui restituer son bien pensant mériter en échange un baiser. L’ayant retrouvée je lui rends sa casquette et en guise de baiser elle me donne trois bières viking et une demi bouteille de vodka citron. Ravi de l’ivresse provoquée par l’absorption rapide de ces boissons, je retourne voir le Texan pour danser sur une version en islandais de la fameuse danse des canards (chipeau ou colvert, on ne le saura jamais). Là, je croise une fille adorable rencontrée la veille. Elle m’invite à danser, me traduit en anglais les paroles des chansons islandaises, puis nous nous dirigeons tous deux vers la grande scène où elle me présente à plein de monde (les Islandais se connaissent tous plus ou moins). Elle travaille dans un bar de Reykjavik et m’invite y passer lorsque nous retournerons à la capitale. Le jour se lève, mais la fête continue. Je constate au grand jour l’étendue des dégâts provoqués par la tempête qui fut quasi incessante pendant les trois jours du festival. J’apprends qu’un jeune qui s’est endormi dans une poubelle fut emporté par le camion de ramassage des ordures. Des tas de gens morts bourrés comatent dans la boue, de nombreux couples s’embrassent, énormément de personnes titubent. Les tentes sont presque toutes détruites et les affaires des festivaliers parsèment l’ensemble de la vallée. Des habits, des chaussures, des duvets, des poubelles baignent dans un liquide boueux pouvant être assimilé à de l’excrément. De nombreux individus ayant décuvés se rendent compte du désastre et tentent de réunir leurs affaires éparpillées avec un courage exemplaire, mais le dépit se lit sur leurs visages fatigués et ruinés par l’alcool. Je décide de rentrer à la tente, protégée elle, et sur le chemin du retour, je croise ce fameux couple que nous avons en vain cherché plus tôt dans la soirée. La fille est toujours aussi belle dans sa combinaison blanche. Ils sont très contents qu’on ait réussi à venir jusqu’aux îles Vestmann pour ce festival tant vanté dans le café de Kirkpop.
Quant a moi, je suis vraiment ravi d’avoir fait cette fête aux couleurs de l’Islande, même s’il me manquait pour vraiment m’éclater davantage à boire et mon collègue botaniste.
En rentrant, je ramasse par terre un paquet de clopes encore plein et en arrivant à la Jamet m’attend une bonne plâtré de riz. Je vogue de petits bonheurs en petits bonheurs et même mon duvet trempé me semble agréable. Je m’y endors le sourire aux lèvres avec la tête qui tourne un peu. Miaou !