11 juin 2002

Équipe de France 2002


Nous avons passé une nuit horrible à Stykkisholmur car, hier soir, une tempête a soufflé fort et j’ai dû, à plusieurs reprises sortir de la tente refixer le toit imperméable qui, non fixé, ne l’est plus. Nous quittons à 7h30 la ville avec trois soucis en tête. Le premier concerne le temps, dont nous sommes tributaires. Nul doute que le Gulf Stream n’agit plus beaucoup au nord de la péninsule du Snaefellsness car il fait très froid. Le soleil brille mais un vent malin met nos corps fragilisés à rude épreuve.
Le second concerne l’objectif de la journée : Les îles Flatey. A l’heure où j’écris, nous sommes dans le bateau et nous venons de prendre un peu copieux petit déjeuner. Nous apercevons déjà quelques macareux, qui, malgré leur attitude aptère, sont habiles à slalomer entre vagues et rafales. La traversée durera 1h45 et nous palpitons de ce qui nous attends.
Le troisième concerne le foot et le résultat de France-Danemark, décisif pour l’accession aux huitièmes de finale. Sous réserve de confirmation, la France a perdu 2-0 et se retrouve donc éliminée. Logique, sans chauvinisme aucun, car un tel bilan ne transpire pas la malchance (contrairement à ce que nos poteaux laissent croire) mais plutôt l’excès de confiance ou la nullité.
Comment être sorti d’une poule à priori sans danger sans marquer le moindre but par l’intermédiaire de nos trois super attaquants ? Ce n’est pas inadmissible mais c’est nul. Alors non, je n’insulterai pas l’équipe car je regarde dans le rétroviseur et demeure éblouis du palmarès depuis quatre ans. Je suis simplement déçu par le faible spectacle proposé aux spectateurs qui auraient, je n’en doute pas, aimé se remémorer au moins un but, chose accessible pour une formation de ce calibre. Cependant, il convient de relativiser cet échec, car s’en est un, et pour cela, il nous suffit de regarder autour de nous. A coup sûr les joueurs français regardent leurs crampons. Nous, nous voyons de l’eau à perte de vue, ce qui est plus connu sous le nom d’océan. Quelle sensation de liberté nous envahit lorsque émergent de la mer démontée des volcans enneigés et des oiseaux gourmands ! Du même coup, s’évapore un temps soit peu de nos esprits vagabonds la performance de onze joueurs n’ayant pas très bien bossé. Il est vrai que je préfère m’attendrir d’un macareux qui pêche que d’un petit dépité. A chacun sa vie, à chacun ses envies, à chacun ses points forts et ses lacunes, je le conçois. Et s’il est préféré et instructif d’être ouvert et de plonger quelques neurones dans ce qui ne nous entoure pas, il apparaît utile de rester concentrer et de n’être déçu que par ce qui touche à l’essentiel. Le foot, je le rappelle, n’est qu’un jeu où quiconque, selon sa motivation et son talent, peut se faire plaisir. Être spectateur change tout. Se laisser abattre par l’attitude et la performance de quelques joueurs qui nous sont inconnus ne doit en aucun cas déstabiliser un esprit extérieur et normalement bâti. L’incompréhension ne modifiera rien. Mon plaisir est toujours dans cette nature, magnifique en Islande, il n’est plus dans cette coupe du monde.
Merci les bleus, vous n’avez pas été bons. Quant à moi, j’essaierai de mieux faire dans la noble mission que Blaise et moi nous sommes confiés : mettre un peu plus d’essentiel dans l’esprit des gens.
Je ne pense plus à la coupe du monde, même si mon œil suivra son évolution, je me sens simplement privé d’un surcroît de bonheur par cette élimination expéditive.