19 mai 2002

Il est une heure quinze du matin et nous sommes dans un bar du centre de Reykjavik à boire des bières au prix prohibitif. Que nous est-il arrivé, à nous, sobres comme des pipits farlouse.
Comme depuis le début de la semaine, on alterne les levers tôt et tard. Aujourd’hui, nous pouvions, selon cette loi, nous offrir une obèse matinée. Ce fut chose faite même si, sur les coups de onze heures, un homme muni d’un tracteur passa à deux mètres de notre tente pour tondre le gazon du camping. D’un point de vue nuisance sonore, nous crûmes un instant avoir planté la tente à Paris Charles de Gaulle, mais le pire, c’est que sa tondeuse bousilla sans autre forme de procès le jeu de pétanque que j’avais taillé dans du basalte incandescent et qui venait juste de refroidir.
Vers dix neuf heures, dans la cuisine de l’auberge de jeunesse, Blaise aperçoit une jeune fille aux cheveux courts, un brin rousse, de taille moyenne (1.62 m), jeans large, manteau en crocodile, santiags en python réticulé et de peau plutôt claire. Son sang ne fait qu’un tour qu’il part à la conquête de ce qui est devenu sa convoitise. M.(c’est son prénom) vient bavarder avec nous dans la cuisine. Un sympathique américain que nous appelons Diego, nous propose alors d’aller siffler une mousse en ville. Acceptation immédiate. Pendant le trajet, je converse avec Jessie James, un souriant anglophone invité lui aussi tandis que Blaise fait un 200 m steeple avec cette petite canadienne. Dans le bar, nous y voilà, Blaise parle avec M et ses discussions frisent la nullité d’un point de vue intérêt, l’enchaînement de ses idées prend des allures douteuses ; pas de doutes, l’alcool fait son effet et nous sommes ivres.
Il ne fait pas nuit, malgré l’heure tardive, lorsque nous sortons du troquet. Sur le chemin du retour, je sens le poids de la chandelle me peser sur le bras gauche, surtout que Jessie James, resté au bar est absent. Je m’éclipse rapidement dès l’arrivée à l’auberge. Vingt mètres après ma fuite audacieuse mais calculée, ma tête effectue une rotation de 117 ° et ce que je présentais se produisait. Blaise inondait de mégots et de salmonelle une bouche bien innocente et somme toute assez propre. Contrat rempli. Je vais me rouler dans mon chaud duvet qui, en fait, était froid. La grive, posée à 3 m 17 cm de notre tente avait abandonné la mandoline pour se mettre à la contrebasse. Et c’est ce concert hurlant de gelure et de piaillement qui sonna le glas de ma soirée, à moi, homme seul.
Mais qu’advenait-il de Blaise, véritable dévoreur des steppes boréales telles à du gazon de type golf que possède en équilibre stygien cette jolie jeune fille. Vous m’aurez compris.
Or Blaise ne fut pas cet habile brouteur aux dents acérées et noircies. Il était homme sans local à part sa divine tente dans laquelle je me trouvais. La queue basse et la mine réjouie, il vint se coucher.